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ANALYSES LEXICOMETRIQUES
29 septembre 2019

Dr. Martin MOMHA - LES REPRESENTATIONS DES POPULATIONS AUTOCHTONES DANS LA CYBERPRESSE CANADIENNE

LES_REPRESENTATIONS_DES_POPULATIONS_AUTOCHTONES_DANS_LA_CYBERPRESSE_CANADIENNE_

***********************************************************************************LES REPRÉSENTATIONS DES POPULATIONS AUTOCHTONES DANS LA CYBERPRESSE CANADIENNE D’EXPRESSION FRANCAISE DE 2008 A 2012 : ESSAI D’ANALYSE QUALITATIVE  DE LA DÉNOMINATION ET DE LA COMPARAISON.

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Martin Momha

Laboratoire d’Analyse des Données Textuelles

Université de Moncton

 

Le but de cet article est d’identifier  et d’analyser les marques de dénomination et de comparaison associées aux populations autochtones dans la presse québécoise et acadienne. L’étude lexicale et thématique  de ces déterminants (dénominateurs, comparateurs) dans le corpus quinquennal constitué se réalise selon une grille méthodologie éclectique inspirée des travaux de Patrick Charaudeau (1992) sur le plan grammatical, de David Erlich (1995) sur le plan thématique, de Charles Müller (1976 ; 1977) sur le plan lexical, et avec le concours de deux logiciels d’analyse statistique des données textuelles : hyperbase et sphinx.

 

Mots-clés 

 Autochtones, indexation, dénomination, comparaison, hyperbase, sphinx

 

Introduction

L’indexation d’un texte consiste à « établir automatiquement la liste ordonnée de tous les mots apparaissant dans les documents avec la localisation exacte de chacune de leurs occurrences » (Wiképédia). Cette heuristique relève de l’information documentaire. En tant que procédé rhétorique proche de la périphrase, de la métaphore, de la métonymie et de l’antonomase, l’indexation est une figure de substitution qui  opère sur des relations de voisinage en remplaçant un mot par une expression le désignant (Fontanier, 1977). C’est aussi une forme de circonlocution qui consiste à apostropher quelqu’un ou à l’interpeller dans une relation énonciative. Elle est donc synonyme de la nomination ou de la dénomination.

 

La dénomination est un procédé qui consiste en la « désignation d’une personne ou d’une chose par un nom qui en exprime l’état, l’espèce, les qualités essentielles » (wiktionnaire). Sur le plan socio-ontologique (Meyer, 1999), la dénomination  permet aux êtres à travers les traits caractéristiques de leur personnalité de manifester leur singularité dans la société : « nommer, c’est donner existence à un être au terme d’une double opération : percevoir une différence dans le continuum de l’univers et simultanément rapporter cette différence à une ressemblance » (Charaudeau, 1992, 659-660).

Sur le plan grammatique, la dénomination est une opération de sens qui est intrinsèque à la qualification, car les concepts utilisés pour nommer servent aussi à qualifier.  C’est le cas du référent lexical « autochtone-s » qui désigne à la fois un groupe ethnique quand il est employé comme substantif et une qualité ou une propriété propre aux autochtones lorsqu’il est employé comme déterminant spécifique.

 

Une dénomination conférée à une communauté d’individus peut contribuer à  sa valorisation ou à sa marginalisation. Quand des groupes de supporters se font appeler  « hoolygans », ils véhiculent dans cette appellation un concept qui associe le sport, la violence et  le néonazisme. Lorsque les français s’autoproclament « gaulois » (Berstein, 2001) ils mettent en exergue leur identité chevaleresque et conquérante. On peut multiplier de tels exemples à l’infini. Mais ce qui nous intéresse dans cette étude, c’est en priorité les connotations des identités nominales et nominatives attribuées aux premiers habitants du Canada et véhiculées dans la presse canadienne d’expression française.

 

En effet, depuis la découverte du Canada par les premiers explorateurs (1534),  les populations de souche qui habitent ce territoire se sont vues affubler d’une multitude de noms plus ou moins dégradants. On les appelle collectivement les « autochtones ». Cependant, si le concept d’autochtonie traduit fondamentalement une idée de droits du sol, de jouissance et de propriété foncière, dans le contexte canadien, l’autochtonie renvoie à la différence, à l’exclusion, à la violence, à la pauvreté et aux non-droits. Quand on parle d’autochtone dans certains les médias canadiens, le plus souvent, ce sont des stéréotypes et des caricatures spécifiques à ces peuples qu’on souligne en filigrane. Notre étude n’a pas pour but de recenser ces clichés ou ces formes de représentations, mais plutôt d’explorer minutieusement le corpus afin de dégager quantitativement et qualitativement les modes d’incarnation identitaire ainsi que les différents référents auxquels on compare les populations autochtones.

 

État de la question

Cet article fait suite à une communication (Momha &Kasparian, 2013) présentée lors de la 37ème rencontre des linguistiques des provinces Atlantiques sur le thème « Langues et cultures autochtones», colloque tenu du 01-02 novembre 2013 à l’université de Moncton. Le sujet que nous avons développé portait sur «l’analyse ethno-logométrique des modes de représentation des populations autochtones dans la cyberpresse acadienne et québécoise de 2008 à 2012». Dans la présente étude, je continue l’exploration du même corpus numérique, mais avec pour objectif précis de décrire la manifestation de deux formes d’incarnation identitaire : la dénomination et la comparaison. Cette analyse n’est pas un cas isolé, car les recherches sur les populations autochtones ont du vent en poupe, si l’on s’en tient aux directives du Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada. Cette problématique, le plus souvent, est abordée sur les plans sociologiques, juridiques et ethnologiques. Notre approche se singularise des autres par son ancrage médiatique et l’usage des logiciels spécialisés pour le traitement des ressources textuelles. Elle se situe dans un continuum des travaux réalisés au Laboratoire d’Analyse des Données Textuelles de l’Université de Moncton et présentés aux JADT, travaux portant sur une analyse d’un corpus de presse canadienne (Chabot, Kasparian, Desjardins, 2008)

 

Cadre théorique

Le cadre théorique qui sous-tend nos investigations est un interstice combinatoire de trois courants : l’Analyse du Discours, la socio-ethnologie et  l’information documentaire. L’Analyse du Discours  recouvre des entreprises très hétéroclites qui vont des études de la statistique lexicale jusqu’à des théories de sémiotique textuelle » (Caron, 1983).  Son but, selon Maingueneau (1989), est « l’étude d’un regroupement d’énoncés dispersés entretenant entre eux une relation essentielle de filiation et définissant une identité énonciative historiquement circonscriptible ». Ainsi, les formations discursives que nous étudions sont des archives de presse écrite en version numérique, mises en ligne entre 2008 et 2012. Il s’agit donc de l’analyse d’un discours contemporain.

La base de notre triangle analytique est l’ethnosociologie en tant « qu’étude comparative et explicative de l'ensemble des caractères sociaux et culturels des groupes humains ou d’ethnies » (Servier, 1986),  car il s’agit entre autres de dégager les formes de représentation des populations autochtones  à travers une analyse empirique de leurs dénominations. Le catalogage des communautés autochtones dans un répertoire lexicologique ou thématique contribue conséquemment à leur étiquetage et à leur qualification.

Enfin, le troisième versant de notre cadre théorique est l’indexation, un procédé de l’information documentaire qui consiste au repérage et à la localisation des cooccurrences de mots significatifs appartenant au corpus.  Avec le développement du « tout numérique », l’indexation (automatique) s’opère à travers des moteurs de recherches et des logiciels d’analyse des données textuelles. Dans le langage documentaire, les mots-clés sont nommés « vedettes-matière ». En référence à notre corpus, la vedette-matière est « autochtone », une « matrice lexicale » qui regroupe des termes apparentés au terme principal et obtenus par lemmatisation (Benzécri, 1983), c’est-à-dire par relèvement des fréquences occurrentielles et des variations du mot « autochtone ». Ainsi, notre analyse consiste  à explorer le corpus avec sphinx et hyperbase afin  d’étudier  les mots et expressions utilisés par des énonciateurs dans le discours pour exprimer la vedette-matière (relations d’équivalences), les mots et expressions utilisés par les sujets communicants pour exprimer un rapport de supériorité/générique ou de subordination/spécifique entre des notions apparentées à la vedette-matière (relations hiérarchiques), les mots et expressions utilisés par les locuteurs pour exprimer la relation qui lie les concepts associés à la vedette-matière (relations d’association) .

Le corpus

Notre corpus quinquennal se compose de 471 articles de journaux publiés et mis en ligne entre 2008 et 2012. Ces textes ont été présélectionnés sur la base du critère de pertinence. Ils proviennent des archives numériques de neuf éditeurs de presse électronique diffusant sur le réseau cybernétique à partir du Canada (www.lapresse.ca). Ces neufs organes de presse sont les suivants :

 

  • La presse, Montréal
  • Le soleil, Québec
  • Le Droit, Gatineau /Ottawa
  • La Tribune, Sherbrooke
  • Le Quotidien, Saguenay /Lac-St-Jean
  • Nouvelliste, Trois-Rivières
  • La Voix de l’Est, Granby
  • Acadie Nouvelle, Moncton
  • AFP, Dépêches

 

Lors de la constitution du corpus, nous n’avons pas sérié les données textuelles en fonction de l’origine (éditoriale ou régionale) des articles et encore moins de leurs signataires, car le but de cette étude de catalogage n’est pas de dégager la corrélation entre la politique éditoriale d’un journal et la couverture des activités autochtones. Nous avons plutôt  regroupé les articles dans une seule formation discursive en les subdivisant en cinq pôles chronologiques selon leur date de publication. L’hypothèse est de mesurer pertinemment en termes de fréquences et d’occurrences le poids réel et la distribution chronologique de la dénomination « autochtone » dans la presse canadienne d’expression française.

Sur le plan statistique, le volume du corpus est de 484951 caractères, dont 25307 unités lexicales distinctes. Selon les cinq jalons chronologiques, la distribution des mots  par année se présente comme suit :

 

 

Nb. cit

Fréq

2008

1623

6,4%

2009

3821

15,1%

2010

6018

23,8%

2011

6005

23,7%

2012

7480

31,8%

Total

25307

100%

 

On constate de prime-abord que selon les années de publication, les jalons ont des volumes inégaux. Cette disproportion est due au fait que nous avons accordé la préférence à la version numérique des journaux et la mise en ligne des articles que nous avons présélectionnés automatiquement à l’aide d’un thésaurus sur le portail de Lapresse (www.lapresse.ca) ne date que du 09 juillet 2008. Cependant, cette inégalité évidente n’a aucun impact sur  l’indexation et l’inventaire des différentes formes et contextes de la vedette-matière (autochtone).

Problématique

La question de recherche qui sous-tend nos investigations vise à savoir quelles sont les dénominations génériques et spécifiques que les énonciateurs ou les sujets communicants utilisent dans le discours médiatique contemporain pour nommer les Premières Nations du Canada et quels sont les peuples de conditions similaires avec lesquels ces groupes ethniques sont mis en comparaison dans un rapport implicite ou explicite ?

 

Méthodologie

L’analyse des modalités de dénomination et de comparaison dans notre corpus obéit d’une part procédés de la statistique lexicale  (Lebart, 1994) et d’autre part au protocole de l’approche thématique (Rastier, 1995). Le premier concept opératoire intervient dans la phase heuristique, laquelle consiste au balisage du corpus, au dépouillement,  en l’extraction systématique d’informations et en l’analyse quantitative sur sphinx et  hyperbase des cooccurrences. Dans cette démarche textométrique, le vocable est considéré comme une unité de lexique et le mot comme l’unité du texte. L’analyse thématique qui se veut ethnologique, descriptive, contextuelle et qualitative intervient dans la phase herméneutique lors de l’interprétation des tableaux lexicaux, des graphes représentationnels et des environnements des différents lemmatiseurs. Toute notre activité analytique consiste donc en l’élaboration d’une taxinomie et d’un inventaire des « êtres autochtones » à travers un classement qui organise et présente ces référents comme « des regroupements en constellations autour de noyaux qui en constituent le point de référence ». (Charaudeau, 1992-660).

 

Plan de l’étude

Notre analyse se développe en deux parties. Dans la première, nous observerons les manifestations textuelles de trois modes de dénomination des populations autochtones et dans la deuxième partie, nous étudierons procédés de comparaison logique et figurative de ces peuples aux êtres proches et lointains qui peuplent l’univers qui les entoure ou font partie de la cosmogonie universelle.

 

I/ LA DENOMINATION

La dénomination est un terme qui englobe les différents modes de désignation, d’appellation ou d’interpellation d’un être. On peut désigner quelqu’un par son nom, son titre, sa race, sa fonction, son ethnie ou à travers des procédés rhétoriques tels que  la périphrase, circonlocution, la mise en apposition ou des marqueurs grammaticaux à l’instant des pronoms personnels. Dans le corpus qui fait l’objet de notre analyse, les populations autochtones sont représentées nommément selon trois modalités : les dénominations génériques, les dénominations spécifiques et les dénominations énonciatives. Cette dernière  dépend de l’orientation du discours et de la nature des énonciateurs.

 

I-1. Les dénominations génériques

Pour désigner les autochtones dans notre univers du discours en tant que communautés, groupes ou populations, les énonciateurs font usage de huit dénominateurs : autochtones, amérindiens, premiers peuples, premières nations, indiens, indigènes, aborigènes et sauvages. La répartition de tous ces variables permet d’observer la dissémination d’informations entre les différents axes.

 

Figure 1 : AFC dénominations_ génériques

Cette représentation graphique de l’Analyse Factorielle de Correspondance présente en détail les différents variables associées aux huit dénominations génériques. On constate à la lecture du graphique que trois appellations s’éloignent de l’axe principal : il s’agit de « sauvagine », « indianité » et « indigenous ». Une analyse sur sphinx des cooccurrences de ces huit lemmes fondamentaux nous donne le tableau d’effectifs suivants :

 

Tableau 1 : Dénomitateurs_Génériques

Il ressort de ce tableau que les dénominateurs sont disproportionnellement employés dans le corpus. La préférence est accordée à Autochtone (49%), suivi de Premières Nations (27%), Indiens  (08%), Premiers Peuples (08%), Amérindiens (05%), Aborigènes (01%), Indigènes (01%) et Sauvages (01%). Le graphique qui suit visualise la représentation en barres de ces différentes données :

 

Graphique 1 : Dénomitateurs_Génériques

Mais quel est le contexte d’énonciation de ces différents dénominateurs ? Quelles sont leurs valeurs suggestives ? Nous allons analyser leur environnement thématique afin de déterminer les procédés qui sous-tendent leurs emplois dans l’univers du discours.

I-1.1. Les autochtones

C’est la dénomination la plus utilisée pour nommer, identifier ou représenter les populations de souche du Canada ou les premiers habitants du continent américain. Dans le corpus, cette dénomination est corrélée à cinq lemmes fondamentaux : les droits, les peuples, communautés, populations, affaires. Le graphe représentationnel suivant illustre bien l’environnement thématique de ce lemme principal :

 

Figure 2 : Environnement_ Autochtones

Au centre de la dénomination « Autochtone », se développe un concept philosophique qu’on appellerait « Autochtonie », concept se définit comme « une manière d’être, de faire, de vivre et d’appréhender le monde par les communautés autochtones ». L’autochtonie implique une reconnaissance des droits territoriaux ou fonciers dévolus naturellement à des peuples primitifs, car «la terre appartient aux premiers occupants».

 

I-1.2. Les indigènes

La dénomination  « indigène » est mise en abyme dans le corpus dans un contexte énonciatif où il est question de dévaloriser ou de jeter le discrédit sur les populations autochtones qui ne possèdent aucun savoir-faire  ou aucune compétence à faire valoir dans la société moderne. Dans le verbatim qui suit, l’énonciateur fait de l’indigénisme (en tant que défaillance de qualifications) un argument pragmatique qui justifie l’immigration massive des asiatiques au Canada :

Les populations INDIGÈNES ayant de graves retards en matière d’instruction et de compétences techniques, l’effet final (bien que probablement involontaire), a été le suivant : des millions d’immigrants chinois qui, eux, avaient les compétences recherchées, ont été attirés par cette prospérité, sont venus accaparer les nouveaux emplois de bonnes conditions

_______________________t2008 Page 22 c_______________________________

 

I-1.3. Les Premières Nations

Cette dénomination accorde une certaine souveraineté et un ordre de préséance aux populations de souche qui s’en prévalent et qui devraient en jouir. Elles sont donc considérées comme des pierres d’angle de la fondation sur laquelle les autres nations canadiennes sont arrimées.

Néanmoins, les PREMIÈRES NATIONS demeurent présentes et incontournables dans la construction du Québec d’aujourd’hui et de demain, et ce, en dépit des mesures inéquitables prônées par des politiques provinciales et fédérales au cours des quatre siècles derniers.

_______________________t2008 Page 28 a_______________________________

I-1.4. Les Premiers Peuples

À l’instar de Premières Nations, Premiers Peuples est une dénomination qui traduit une primitivité ontologique. Loin d’être un avantage, cette incarnation suscite plutôt du racisme et des préjugés.

Raciste, caricature dégradante…  ce qui dérange dans votre message, c’est le renforcement des préjugés à l’égard des PREMIERS PEUPLES : Ces indigènes primitifs incarnés en « guerriers Eseka » aux allures de « nonos », prêts à tuer pour protéger la « pureté » de l’eau depuis 8000 ans…

_______________________t20011 Page 1618 d_______________________________

I-1.5. Les Amérindiens

Cette catégorie générique ne désigne pas seulement les autochtones du Canada, mais globalement les premiers habitants du continent américain. Partout où ils se trouvent, leur quotidien est fait de protestations, de revendications et de confrontations violentes avec les forces de l’ordre :

Sur un blocus routier, d’AMERINDIENS protestant contre la surexploitation de l’Amazonie, une intervention de police avait dérapé en affrontements, faisant 34 morts dont 24 policiers…

_______________________t2009 Page 507c_______________________________

I-1.6. Les Indiens

On parle d’eux dans les médias pour dénoncer les traitements humiliants qu’ils ont subis dans les pensionnats et les mesures assimilationnistes, discriminatoires et ethnocides dont ils ont été des victimes expiatoires.

Les pensionnaires de ce système rigide – instauré par la Loi sur les INDIENS, n’avaient pas le droit de s’exprimer dans leur langue maternelle

_______________________t2008 Page 114b_______________________________

I-1.7. Les Aborigènes

Ce sont des peuples primaires assujettis aux mêmes normes rétrogrades et humiliantes que les autochtones. Leur évocation dans le corpus met en exergue leurs conditions de vie précaire, leur marginalisation sociale et leur combat pour la défense de leurs droits ancestraux et patrimoniaux.

Rappelons que les populations ABORIGÈNES réclament de pouvoir récupérer «leurs droits ancestraux sur les terres», la FAO souligne qu’elles figurent également «parmi les peuples les plus marginalisés et présentent des niveaux de vulnérabilité et de pauvreté plus élevés que d’autres groupes de populations en Afrique, Asie et Amérique latine».

_______________________t2008 Page 19b_______________________________

 

I-1.8. Les Sauvages

Ce terme humiliant et dégradant est tantôt un adjectif qualificatif tantôt un substantif. Il nous renvoie au degré zéro du développement de l’humanité, c’est à dire dans un temps immémorial ou  l’homme et l’animal vivaient dans la nature. L’utilisation de ce terme au 21ème siècle pour qualifier des êtres humains est non seulement une insulte condamnable, mais aussi une subversion du langage. Même si ce lemme est utilisé dans le corpus à des proportions négligeables par rapport aux autres, il a une valeur suggestive qui exprime le dualisme d’une nation dont les composantes sociologiques fonctionnent en opposition de phase, l’infériorisation d’un groupe ethnique de souche,  le conditionnement juridique d’un peuple et son assimilation forcée. Ces quatre aspects sont illustrés dans le verbatim ci-après :

Quand on parle du Canada, du parfait Canada de la diversité, il faut bien comprendre aussi ce dualisme sacré des civilisés et des SAUVAGES évoluant à des rythmes diamétralement opposés.

_______________________t2011 Page 2081b_______________________________

La loi canadienne sur les SAUVAGES faisait des autochtones des « êtres mineurs », leur interdisant d’être propriétaires ou de boire de l’alcool sous peine d’emprisonnement et ne leur permettait d’échapper à ce statut qu’en renonçant officiellement à leur culture et leur patrimoine.

_______________________t2012 Page 2362b_______________________________

En 1978, l’Acte des SAUVAGES du Canada est devenu la Loi sur les Indiens

_______________________t2012 Page 2505b_______________________________

Les pensionnats autochtones, projet officiel du gouvernement pour assimiler les jeunes païens SAUVAGES

_______________________t2012 Page 2806a_______________________________

 

En marge de ces huit dénominations, on peut aussi retrouver dans le corpus des qualificatifs d’une seule occurrence comme « barbares », qui expriment la pétulance et la violence des peuples autochtones et des substantifs comme « espèces » qui intègrent les populations autochtones dans le paradigme des espèces biologiques (animales et végétales) en voie de disparition dans un écosystème mondialisé.  Cependant, même si tous les autochtones sont soumis aux mêmes conditions de vie et aux mêmes traitements selon la Loi sur les Indiens, leur sort varie en fonction de la tribu à laquelle ils appartiennent et des dividendes qu’ils perçoivent des industriels désirant exploiter les richesses naturelles de leurs immenses territoires. Ce qui justifie le fait que certaines ethnies spécifiques de ce « Peuple Invisible » (Desjardin, 2009) soient mis au-devant de la scène médiatique par rapport à d’autres.

 

I-2. Les dénominations spécifiques

Nous entendons par «dénominations spécifiques» les modes de nominalisation  des différentes tribus d’autochtones répertoriées dans L’Encyclopédie Canadienne. Une exploration complète du corpus a permet de dégager 14 tribus : Inuit, Mohawk, Huron, Cris, Attikamekw, Attawapiskat, Métis, Algonquin, Wemotaci, Abénaki, Micmac, Mapuche, Odjibwé, etc. Le tableau distributionnel suivant  montre comment les différents variables sont répartis dans les cinq jalons chronologiques.

 

Tableau 2 : Distribution_dénomitateurs_spécifiques

L’analyse diachronique des valeurs occurentielles dévoile une certaine gradation du flux interpellatif. Cette progression chronologique est due d’une part à la différence de volume des 5 jalons et d’autre part à l’intensification et à l’accroissement des informations au cours des années 2011 et 2012, années de grandes négociations entre le gouvernement québécois, les firmes industrielles et les chefs autochtones. Le graphique ci-après illustre proportionnellement les pôles de focalisation ethnique de l’actualité autochtone :

 

 

Graphique 2 : Distribution_comparateurs_logiques

Nous n’allons pas faire une revue de toutes ces tribus. Nous ne nous intéresserons qu’aux groupes ethniques les plus récurrents (≥200 occurrences) dans l’univers du discours, à savoir : les Inuits, les Mohawks, les Hurons, les Cris et les Attikameks. Qui sont-ils ? Où vivent-ils et pourquoi sont-ils les plus interpellés dans la presse ? L’analyse d’un échantillon du contexte pour chaque catégorie nous permettra de cerner les mobiles de leur citation ou de leur indexation.

 

I-2.1. Les Inuits 

Ce sont des autochtones de l’arctique canadien. Ils parlent une seule langue (l’inuktitut ou esquimau-aléoute). Au cours des cinq dernières années, cette tribu a été mise au devant de la scène à cause du Plan Nord du gouvernement québécois.

A nos concitoyens, Premières Nations et INUITS, je réitère aujourd’hui que rien, dans le Plan Nord, ne remettra en question ce qui a été conclu, ce qui est en négociation ou en pourparler.

_______________________t2009  Page 242b_______________________________

I-2.2. Les mohawks

Cette tribu vit à l’est, sur les rives de la rivière éponyme. Comme tous les peuples autochtones, les Mohawks déshérités, luttent pour la préservation de leurs terres arrachées ou spoliées par des exploitants industriels.

Les MOHAWKS sont préoccupés par la sécurité, leurs droits et par des questions de responsabilités fiduciaire (…) Or les MOKAWKS affirment avoir des droits sur ces terres en vertu de traités autochtones

_______________________t2009  Page 469a_______________________________

 

I-2.3. Les Hurons

Ils forment une confédération de cinq tribus localisables dans l’Ontario, le Centre et le Nord du Québec. Les membres de la tribu appellent leurs terres traditionnelles Wendake. Le problème foncier constitue le centre de gravité de leurs principales préoccupations.

Les HURONS – Wendat reprochent au gouvernement fédéral d’avoir signé une entente avec les communautés innues qui couvrent une partie importante du territoire traditionnel de la Nation huronne – wendat et ce, sans l’avoir préalablement consultée et accommodée» et d’ «avoir ignoré sa relation de traité avec la nation huronne- wendat et ne lui avoir donné aucune indication à savoir qu’il était disposé à accommoder les intérêts de la Nation sur son territoire traditionnel, avant de négocier et conclure l’entente de principe avec les Innus»

_______________________t2011 Page 1633a_______________________________

I-2.4. Les Cris

Cette tribu  occupe  un territoire qui s’étend de l’Alberta au Québec, ce qui représente la plus vaste répartition géographique autochtone du Canada. Comme les Inuits, les Cris sont des témoins passifs de la mise en place du Plan Grand Nord sur leurs territoires. D’où leur indignation

C’est inacceptable que le gouvernement se contente de venir nous présenter le Plan Nord sans nous avoir impliqué dans le processus de développement, affirme Roméo Saganash, directeur des relations avec le Québec au Grand Conseil des CRIS

_______________________t2009 Page 339d_______________________________

I-2.4. Les Attikameks

Ces populations vivent en amont de la rivière Saint-Maurice. Leur quotidien est pareil à celui de toutes les communautés autochtones. Leurs soucis constants c’est la circonscription de leurs territoires ancestraux et la préservation de leurs patrimoines :

La carte dessinée sur une peau d’orignal que les Chefs ont dévoilée hier, indique un territoire où vivent quelques cinq millions de personnes mais il empiète sur le territoire des Mohawks, des Abénakis et des ATTIKAMEKS, tout en frôlant de près celui des Ojibways, des Innus (montagnais) et des Cris.

_______________________t2010 Page 792c_______________________________

Un constat majeur émerge lorsqu’on fait une analyse thématique de l’information consacrée à ces différents groupes autochtones : tous sont empêtrés dans des conflits fonciers et des rivalités intertribales. Ces groupes tribaux sont parfois désignés dans le discours journalistique par leur lieu d’habitation : c’est le cas de « Wendat », identité spatiale et culturelle commune à tous les « Hurons ». Cependant, qu’ils soient des « Inuits » ou des « Algonquins » dont les cinéastes Richard Desjardins et Robert Monderie  dépeignent dans leur film (Le Peuple invisible, 2007, 93 min), l’interpellation ou l’évocation des autochtones dépend du statut des sujets communicants et de leur degré d’implication dans l’énonciation.

 

I-3. Les dénominations interlocutives

L’interlocution consiste à désigner des êtres à travers l’usage de marqueurs grammaticaux que Charaudeau (1992, 122) appelle les « personnes de l’interlocution». Ce sont des catégories conceptuelles qui jouent dans l’acte de la communication des fonctions de substitution. Elles permettent entre autres de distinguer la personne qui parle(le locuteur), la personne à qui l’on parle (l’interlocuteur) et la personne dont on parle (tiers). Ces trois personnes donnent lieu à trois types de discours :

 

I-3.1. Le discours élocutif : Quand le sujet communicant est un représentant d’une communauté autochtone (énonciateur pluriel). Ce mode d’énonciation se traduit par l’usage dans le discours les marques grammaticales suivantes : nous, notre, nôtre, nos ...

NOUS, Chefs des premières Nations du Québec, NOUS souhaitons nous adresser aujourd’hui à la population du Québec au sujet des problèmes que nous ayons eu à subir depuis le triste épisode des «pensionnats indiens».

_______________________t2008  Page 3a_______________________________

 

I-3.2. Le discours allocutif : Quand d’autres sujets communicants s’adressent aux autochtones en tant qu’interlocuteurs ou destinataires. Les marques formelles de cette énonciation sont des grammèmes suivants : vous, votre, le vôtre, vos..

Les Métis, particulièrement actifs depuis un an devant les tribunaux, seront les premiers à faire sentir leur présence qui, encore là, VOUS pouvez en être sûrs, comportera une grande part de mécontentement, voire de colère à en juger par leur ardeur à protéger ce qu’ils affirment être, pour eux aussi, des «droits territoriaux».

_______________________t2009 Page 301a_______________________________

 

I-3.3. Discours délocutif : Lorsque les autochtones sont impliqués ou évoqués dans l’acte du langage en tant que des tiers. Les morphèmes qui régissent cette modalité énonciative sont : ils, elles, eux, leurs, leurs, ceux-ci, ceux-là, etc.

Les populations autochtones font face à une discrimination profonde, à une marginalisation historique ainsi qu’à des politiques abusives qui sont le triste résultat d’une violation systématique de LEURS droits fondamentaux

_______________________t2008 Page 26b_______________________________

 

Le tableau des cooccurrences élaboré sur sphinx nous donne une vue globale de la performance statistique de ces trois modalités énonciatives.

 

Tableau 3 : Distribution_modalités_énonciatives

L’observation de ce tableau nous amène à dégager deux constats : la gradation des valeurs sur l’axe du temps et l’archidomination de la modalité délocutive sur l’axe des variables. Le graphique suivant  présente une vue synchronique de ces deux paramètres :

 

Graphique 3: modalités_énonciatives

On en déduit logiquement en référence aux données textuelles que le discours sur les autochtones dans la presse canadienne d’expression française est un discours à dominance délocutive.

Cependant, certaines dénominations « autochtones », quand bien même elles sont classables dans des paradigmes génériques, spécifiques ou énonciatifs, n’ont de valeur suggestive qu’en comparaison avec d’autres dénominations implicites ou explicites appartenant à d’autres univers culturels. L’étude des procédés de comparaison contribue à mieux appréhender les mécanismes d’analogie ou de transposition qui les sous-tendent.

 

II - LA COMPARAISON

La comparaison est le terme d’un processus qui consiste à confronter les qualités, les quantités ou des comportements d’au moins deux êtres, entre eux, et à conclure sur les ressemblances ou dissemblances de ces qualités, quantités et comportements. En rhétorique, la comparaison est une figure de discours qui  instaure entre des êtres un rapport de similitude implicite ou explicite. Cette similitude peut se présenter  sous forme d’une analogie, d’une allusion,  d’une transposition, d’une métaphore ou d’une équation binaire (x / y). Dans la grammaire du sens et de l’expression, Charaudeau (1991) en distingue 4 modalités : la graduée, la globale, la proportionnelle et l’évaluative.

Dans notre approche logico-mathématique, la comparaison est le résultat  d’un raisonnement. Elle se caractérise sur le plan structural par sa binarité. En d’autres termes,  elle suppose forcément l’existence de deux éléments dont l’un est le comparant et l’autre le comparé.  Par hypothèse nous allons considérer l’Autochtone comme le comparé et notre étude consistera à retrouver dans le corpus les pôles de référence à travers une analyse lexicométrique et contextuelle des marqueurs grammaticaux de correspondances.

 

II-1. Les comparateurs et les rapports de correspondance logique

Pour étudier systématiquement les processus logiques de comparaison, nous avons élaboré une taxinomie qui permet de spécifier  divers rapports entre le comparant et le comparé.

1/ L’égalité (X = Y) : rapport d’équivalence ou d’analogie entre le comparant (X) et le comparé (Y).

2/L’infériorité (X  < Y) : intensité basse dans le rapport hiérarchique entre le comparant (X) et le comparé (Y).

3/Supériorité (X > Y) : intensité haute dans le rapport hiérarchique entre le comparant (X) et le comparé (Y).

4/ La différence (X≠Y) rapport d’opposition ou de contraste entre le comparant (X) et le comparé (Y).

5/ l’implication (X→ Y) : rapport causal entre le comparant (X) et le comparé (Y).

6/ L’intersection (X  ∩ Y) : rapport d’intermédiarité entre le comparant (X) et le comparé (Y).

7/ Le rapprochement (X ~ Y ) : rapport d’approximation ou de transposition entre le comparant (X)  et le comparé (Y).

8/ Le partenariat (X U Y) : rapport de conciliation entre le comparant (X) et le comparé (Y).

9/ Le parallélisme (X II Y): rapport d’alternance entre le comparé (X) et le comparant (Y)

10/ Le regroupement (X/Y): rapport de singularisation ou de globalisation entre le comparant (X) et le comparé (Y)

 

Le tableau suivant visualise les 10 typologies de correspondances ainsi que les comparateurs qui les régissent :

 

Formule

Rapport

Comparateurs

X = y

Égalité

Aussi, pareil, tel, comme, semblable à, comparable à, conformément à, autant, de même que, autant que, manière, façon, semblable, identique, égal, également, a l’instar de…

X  < Y

Infériorité

Moins que, inférieur à, réduire, en dessous de/au dessous de, plus bas, ralentissement, diminution, dégradation, moins élevé, pire que,  bas, en chute, baisse, en régression, faible

X > Y

Supériorité

Supérieur à, plus que, au dessus de, au-delà de, plus haut, plus  élevé, recrudescence, meilleur que, croissance, accélération, augmentation, amélioration, accroissement, fort

X≠Y

Différence

Contre, confrontation, division, rupture, contraire à, contrairement à, contradictoire à, paradoxalement, en opposition, opposé, conflictuel, conflit, en rivalité avec, différent, distinct, non plus

X    Y

Implication

Cause, conséquence, Donc, entraîne, conduit à, a pour conséquence, serait la cause de,  à l’origine de, entrainer, provoquer, produire, déclencher, se transformer en,  devenir, paraître, entraîne,

X  ∩ Y

Intersection

Intervalle, jonction, entre, l’un et/ l’autre,  ni l’un ni l’autre, non plus, soit, parmi

 

X ~ Y

Rapprochement

Tendre vers, considérer, menant vers, orienté vers, Relatif, Presque, paraître, proche de, sensiblement, environ

 

X U Y

Partenariat

Rencontre avec, conciliation avec, réconciliation avec, négociation, collaboration, dialogue, partenariat, entente,

X II Y

Parallélisme

parallèlement à, ou, par rapport à,  adapté à, reproduire, plutôt, ailleurs, de sorte que, certains, ceux-ci, quant à, alternance, transposition

X /Y

Regroupement

Général, particulier, générique, spécifique, Chaque, chacun, seuls les, seulement les… tous les, ensemble

 

La mise en contribution de sphinx permet de dégager systématiquement  la distribution de toutes ces valeurs dans un tableau d’effectifs.

 

Tableau 4 : Distribution_comparateurs_logiques

Comme dans les précédents tableaux, la gradation est remarquable sur l’axe des ordonnées (axe chronologique). Par contre, sur l’axe des valeurs (axe des abscisses), ce sont des morphèmes exprimant une égalité qui prédominent relativement comme l’illustre en image le graphique conséquent :

 

Graphique 4 : Comparateurs_Logiques

Ces dix modalités de correspondance ou de comparaison se déploient dans le corpus dans des contextes d’énonciation différents. En guise d’illustration de leurs manifestations, nous analyserons un comparateur de chaque catégorie dans son environnement discursif.

 

II-1.1. L’égalité

Le premier ministre les accuse de dépendre les autochtones COMME des «alcooliques» et les «toxicomanes».

_______________________t2011  Page 1840 a_______________________________

Dans cette séquence, les autochtones sont comparés aux alcooliques et aux toxicomanes. Le but de cette image est de mettre à nue à tort ou à raison selon le contexte discursif l’irresponsabilité et la dépendance de ce groupe d’individus. Ce stéréotype a pour effet de dépeindre le personnage autochtone comme un cas social.

II-1.2/3. L’infériorité/supériorité

Ce quartier, habité par 30% d’autochtones et plus de 20% d’immigrants d’origine chinoise, est LE PLUS pauvre au Canada avec 80% de ménages dont les revenus se situent EN DESSOUS du seuil de pauvreté.

_______________________t2008  Page 45c_______________________________

Ici dans cette illustration, c’est le degré de pauvreté des autochtones qui est mis en exergue. Il se traduit par l’usage d’un superlatif (le plus pauvre) ou d’un baromètre (en dessous du seuil). Le comparant ici (référence) c’est le niveau de vie moyen au Canada et le comparé c’est la communauté autochtone.

II-1.4. La Différence

Selon lui, la DIFFÉRENCE est encore énorme entre le financement accordé aux écoles sur les réserves et celles à l’extérieur

_______________________t2012  Page 2435 c_______________________________

La différence est un indicateur discriminatoire qui traduit une inéquitabilité ou une inégalité du traitement. Dans la portion de texte que nous avons choisie, le comparant c’est le financement accordé aux écoles canadiennes et le comparé c’est le financement alloué aux écoles des réserves autochtones. La différence marque un décalage ou un écart entre les privilèges ou les priorités accordées aux deux communautés en matière de scolarisation.

II-1.5. L’implication

Car là où se trouve le principal établissement d’hébergement pour Inuits, à l’ouest de Notre-Dame-de-Grâce, certains patients ont été ENTRAÎNÉS dans la drogue et la criminalité À CAUSE des gangs de rue.

_______________________t2010  Page 851a_______________________________

Ce mode de comparaison fonctionne selon le principe de cause  en amont et de conséquence en aval. Selon la logique de cette assertion, les Inuits seraient devenus des criminels et toxicomanes (conséquence) à cause des gangs de rue (causalité).

II-1.6 L’intersection/disjonction

Nous ne sommes NI québécois NI canadiens, pourquoi voterions-nous ?

_______________________t2010  Page 851a_______________________________

Cette intersection qui est un ensemble vide est une double disjonction qui exprime une double exclusion. En effet, les autochtones seraient dans le vaste  territoire canadien des nations entièrement à part.

II-1.7. Le Rapprochement

«Ce n’est pas un hasard si la tuberculose frappe davantage les communautés du Grand Nord : certains autochtones vivent dans des conditions similaires PROCHES DE celles du tiers monde» ,  déplore Camil Bouchard, ex-député du Parti Québécois

_______________________t2012  Page 2478a_______________________________

A l’époque, cette proposition d’entente avait soulevé le mécontentement dans plusieurs villages situés PRÈS DE trois communautés autochtones.

_______________________t2009  Page 285 d_______________________________

Ce mode de comparaison exprime la proximité entre le comparant (plusieurs villages) et le comparé (trois communautés autochtones). Dans la citation connexe, le comparé est le Grand Nord et le comparant est le tiers monde.

II-1.8. Le Partenariat

Les chefs Attikamekws étaient toujours à la table de NÉGOCIATION avec Québec, hier soir vers 22h30. La question des redevances sur l’exploitation de la forêt était au cœur des discussions.

_______________________t2012  Page 2385 c_______________________________

Dans le partenariat, la comparaison ne fonctionne pas selon le principe du vis-à-vis, mais celui de l’entente entre deux parties distinctes qui associent leurs différences dans le but de trouver un compromis. Nous avons d’un côté les chefs autochtones et de l’autre le gouvernement du Québec. Ce qui est comparé ici c’est les arguments ou les propositions des uns et des autres sur la question des redevances sur l’exploitation de la forêt.

II-1.9. Le Parallélisme

Le dernier discours du trône en Saskatchewan a consacré 2010 **année des Métis**, en lien avec la grande commémoration qui se mettra en branle cet été qui nous fera revivre la rébellion ultime de ce peuple fondateur, PARRALLÈLEMENT au conflit qui mettait aux prises AU MÊME MOMENT les Indiens Cris et les Habits rouges.

_______________________t2010  Page 795 c_______________________________

Ce modèle de comparaison exprime la concomitance. Deux actions ou deux évènements relatifs aux communautés autochtones se déroulent au même moment : la commémoration de l’année des Métis et le conflit entre les Indiens Cris et les Habits rouges. Ici, il n ya ni comparant, ni comparé, mais juste une simultanéité.

II-1.10. Le regroupement

Selon un récent rapport de l’ancienne vérificatrice Sheila Fraser, l’écart relatif en matière de scolarité entre Premières Nations vivant dans les réserves et la population EN GÉNÉRAL, s’est creusé au cours des dernières années.

_______________________t2011  Page 1948 c_______________________________

Cette modalité exprime l’intermédiarité entre l’absolu et le relatif dans une échelle de comparaison. Dans le verbatim, l’écart en matière de scolarité entre le comparant (populations canadiennes) et le comparé (Premières Nations) n’est pas évaluée en termes spécifiques, mais plutôt dans la globalité. Le regroupement est donc une comparaison globale dans ce cas spécial ou singulière dans d’autres situations potentielles.

On retient de ce qui précède que les comparateurs logiques introduisent des situations binaires mettant aux prises deux agents : le comparant et le comparé. Les régulateurs de ces comparaisons sont des morphèmes grammaticaux ou des mots-outils portant dans leur sémantèse le sens de l’analogie ou de la transposition. Cependant, toutes les comparaisons ne sont pas des faits logiques régulés par des grammèmes. D’autres se présentent sous formes d’images. Nous les appellerons des comparaisons figuratives.

 

II-2. Les comparaisons figuratives

Les dénominations figuratives sont des référents imagés que les sujets communicants utilisent par transposition ou par contextualisation pour représenter les populations autochtones. Ces images établissent une analogie entre les communautés autochtones du Canada  et d’autres peuples de conditions similaires. Dans le corpus, il est difficile d’en faire une évaluation quantitative, compte tenu de leurs manifestations discursives informelles. Cependant, l’exploration du contenu discursif permet de distinguer 6 grands schèmes d’équivalences :

II-2.1. Grand Nord Québécois / Amazonie

L’Aidesep estime que l’Etat veut avoir les mains libres pour continuer d’octroyer des concessions minières et pétrolières en AMAZONIE, et veut faire dire explicitement à la Loi que les Indiens n’ont, au final, pas droit de veto sur un projet d’investissement.

_______________________t2009 Page 301a_______________________________

Dans cet extrait, le Grand Nord québécois est comparé à l’Amazonie. Les populations autochtones qui habitent ces deux territoires (les Indiens) sont soumises aux mêmes lois discriminatoires et à l’exploitation abusive de leur patrimoine foncier par des compagnies minières accréditées par des gouvernements fédéraux du Pérou et du Canada.

II-2.2. Grand Nord Québécois / Tiers Monde

Ce n’est pas un hasard si la tuberculose frappe davantage les communautés du GRAND NORD : «certains autochtones vivent dans des conditions similaires PROCHES DE celles du TIERS MONDE» ,  déplore Camil Bouchard, ex-député du Parti Québécois

_______________________t2012  Page 2478a_______________________________

Le Canada est l’un des pays les plus riches et les plus industrialisés du monde. Cependant, une fraction de sa population (et plus précisément les communautés autochtones) vit dans la misère, la promiscuité et l’insalubrité, conditions qui sont propres aux pays pauvres ou du tiers monde.

 

 

 

II-2.3. Réserves autochtones/ camps de réfugiés somaliens

Les conditions de vie sur cette RESERVE sont plutôt caractéristiques des CAMPS DE RÉFUGIÉS de la Somalie africaine, sinon d’un de ces villages récemment pulvérisés par l’aviation en Libye.

_______________________t2011 Page 2077c_______________________________

La structure des réserves et les conditions de vie précaires de leurs habitants (les autochtones) laissent croire aux observateurs des similitudes avec des camps de réfugiés en Afrique.  Comme pour signifier que les autochtones du Canada sont des réfugiés dans leur propre pays.

II-2.4. Autochtones du Canada/ Aborigènes d’Australie

La mise sous tutelle forcée des communautés aborigènes en AUSTRALIE en 2007 est un exemple probant de cette attitude autoritaire qui inspire sans doute les conservateurs CANADIENS (à noter que HARPER a déjà lu un discours littéralement copié sur HOWARD, le premier ministre australien de l’époque)

_______________________t2012 Page 2910c_______________________________

Les mauvais  traitements accordés aux aborigènes d’Australie par leur Premier Ministre sont semblables à ceux que le gouvernement de Harper fait subir Premières Nations du Canada. D’après l’énonciateur, les discours politiques sur les Autochtones au Canada et en Australie sont des copies conformes.

II.2.5 Loi sur les Indiens /Politique d’Apartheid en Afrique du Sud

La LOI SUR LES INDIENS a instauré un système administratif et symbolique qui, rappelle-t-on, dans ce film Club Native, aurait même inspiré le régime d’APARTHEID Sud-africain.

_______________________t2010 Page 703c_______________________________

Cette séquence démontre qu’il existe une adéquation entre la politique d’Apartheid en Afrique du Sud et la loi sur les Indiens au Canada. Ces deux textes de loi sont fondés sur la discrimination et la ségrégation raciales.

II.2.6. Autochtones du Canada/Tibétains en Chine

Quant au TIBET, son urbanisation a été rapide, mais la majeure partie de la population autochtone habite dans des ghettos qui sont a peine plus vivables que des bidonvilles, sans aucun espoir d’obtenir un emploi décent, car ceux-ci sont monopolisés par des immigrés chinois.

_______________________t2008 Page 15a_______________________________

La condition des autochtones du Canada est semblable aussi à celle des Tibétains en Chine. Ce sont des populations qui vivent dans des conditions misérables et précaires, même si au Tibet l’urbanisation est exponentielle par rapport aux réserves autochtones.

 

CONCLUSION

Nous avons voulu à travers cet article élucider les mécanismes de dénomination et de comparaison qui sous-tendent le discours journalistique sur les populations autochtones dans la cyberpresse canadienne. Il ressort de nos analyses que pour nommer et même qualifier les autochtones, les énonciateurs utilisent trois modes de dénominations : La générique s’intéresse aux macro-ensembles autochtones. La spécifique circonscrit des ensembles ethniques ou tribaux. L’énonciatif identifie les sujets parlants et détermine l’orientation du discours dans un triple aspect élocutif, allocutif ou délocutif.

Quant à la comparaison, elle se déploie dans le corpus sous deux modalités : la comparaison logique et la comparaison figurative. La première est régie par des morphèmes grammaticaux que nous avons appelé des comparateurs. La seconde obéit aux procédés de transposition.

Mais notre analyse n’avait pas pour seule vocation l’étude quantitative et qualitative  des manifestations  de la dénomination et de la comparaison dans un corpus de presse dans le but de constituer une base de données thématiques. Au delà des mots, c’est l’identité, les préoccupations et les conditions de vie des «Autochtones» dont il est question, car derrière chaque dénomination, se cache un peuple, une histoire, une souffrance et un combat, bref un ensemble de représentations que le cinéaste (Desjardins, 2007) a condensées en images troublantes dans son documentaire. Le discours de presse sur les autochtones est donc un podium qui sert à verbaliser les blessures, les frustrations et les stéréotypes d’une communauté,  «riche d’une histoire de près de 6000 ans» et qui, dépossédée de ses terres et confinée misérablement dans des réserves, tiers-mondisée, discriminée, stigmatisée et marginalisée au quotidien, résiste à toute les formes d’assimilation forcée.

 

BIBLIOGRAHIE

 

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